Le début de l'isolement

Il y a longtemps, un mois de décembre, je suis partie récupérer mon petit à l'école.

Devant l'école, j'ai glissé.

Mon genou déjà fragile depuis un accident a subi une torsion et s'est dérobé sous mon poids... Une douleur très vive, comme un éclair blanc, a traversé mon corps. Je me suis étalée avec grâce et élégance (non !)

Des mamans devant l'école se sont précipitées pour m'aider. Je ne pouvais plus me mettre debout seule, ni m'appuyer sur ma jambe pour m'aider. Avec une honte grandissante, j'ai dû m'appuyer sur ces femmes pour me relever, les larmes aux yeux. J'ai eu peur de leur faire mal et je me faisais encore plus mal en essayant de ne pas trop peser sur elle. J'ai vu au travers de mes larmes, la bouille inquiète de mon fils. J'ai pris sur moi instantanément. Mon genou enflait à toute vitesse. Une fois mon enfant confié à une amie, j'ai filé aux urgences.

Assez vite, un type froid et cassant m'a fait passer une radio... Faisant de petits commentaires sur mon poids...

- C'est normal d'avoir mal aux genoux avec votre poids ! Ce n'est pas aux urgences qu'il faut venir mais à la salle de sport !

- Vous boitez vraiment à ce point-là où vous faites la victime un peu ?

- Vous avez des enfants ? Vous avez pensé à l'exemple que vous leur donnez ?

- Nous aux urgences, quand on voit les gens arrivés ici juste parce qu'ils se bâfrent, ça nous fout en colère ! Il y a des gens qui méritent plus d’être aidé dans la salle d'attente, des gens qui ne sont pas responsables de leur état. Il faudrait arrêter de nous faire perdre notre temps.

J'ai tenté de me défendre, mollement ... Puis j'ai fini par acquiescer, les larmes aux yeux. Parce que dans le fond, je croyais ce qu'il disait. Ces mots faisaient écho en moi.

Il m'a dit que je n'avais rien (c'était faux) ne m'a donné aucun traitement pour soulager la douleur.

Je suis rentrée chez moi et je ne suis presque plus jamais ressortie. De toute la vie, je veux dire. Les rares fois où je sors, je ressens une forte appréhension longtemps avant le jour J. Je suis pétrie par la peur. Celle de me faire mal. Celle de déranger. Celle de m'imposer en tant qu'horreur de la nature aux yeux des autres. Celle de me faire insulter.

J'ai peur que cela se reproduise. 15 ans après, mon genou me lâche toujours de temps en temps.. À cause de cet homme aux urgences, de moi et d'autres situations tristement similaires dans le passé.

J'ai eu tort de croire cette personne ! Je méritais d'être soignée, reçue avec respect... Mais ça je commence à me l'approprier que maintenant.

Alors voilà, vous êtes dignes d'être pris en charge... Vous êtes quelqu'un... Vous valez le coup... Il y a des soignants respectueux, intelligents, fait pour vous... Si vous le pouvez, ne vous abandonnez pas. Si vous ne le pouvez pas, essayez de garder ce message quelque part dans votre tête : vous valez le coup !

Sibel.

La Très Haute Fenêtre, 1913, Vilhelm Hammershøi 


Commentaires

  1. J'ai envie de pleurer, j'ai la rage. Les soignants ne sont pas sensés être là pour te juger mais pour t'aider. C'est lui le monstre. Tu es une personne merveilleuse, si tu dois te cacher c'est uniquement si tu as trop peur de nous éblouir 😁 et si tu veux qu'à l'occasion on sorte, pas trop loin, dans un endroit sympa, moi je suis hyper fière qu'on soit copines et le 1e qui fait une réflexion, je le démolis (avec des mots, mais quand même)

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    1. J'adorerais faire quelques pas avec toi! Tu es une amie précieuse !

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  2. Sale con ! C'est tout ce que j'ai envie de (lui) dire !

    Et oui, tu méritais d'être soignée et reçue avec respect, comme n'importe quel être humain sur cette planète.

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    1. Merci ! Depuis un an, je rencontre des praticiens respectueux et je ne peux que constater la différence de traitements. J'ai des radios à faire et je n'y arrive pas encore..

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