Monsieur l'anesthésiste,
Vous êtes entré vivement dans ma salle d’accouchement, avec cet air important qu’arborent parfois les gens en blouses. Je dis "ma" salle d’accouchement, car c'est mon utérus qui se contractait pour mettre au monde un petit d'humain.
Je me rappelle avoir fait un gros effort pour vous saluer au milieu d'une
contraction. Vous ne m'avez pas répondu. Vous n'avez d'ailleurs salué personne.
Est ce que, lorsque l'on se croit être "quelqu'un" on ne voit plus personne ?
Vous m'avez regardé brièvement, vos lèvres se sont pincées et vous vous êtes adressé à la sage-femme : on a quoi ?
Votre conversation était un peu assourdie par le tumulte de mes émotions. J'avais très mal et j'étais affaiblie par une mauvaise toux que je traînais depuis plusieurs mois déjà. J'ai perdu beaucoup de poids pendant cette grossesse et cela n'avait inquiété personne.
Mon gynécologue m'avait même félicité pour cela : "c'est très bien, ça sera ça de moins à perdre après !"
Moi, je faisais des cauchemars presque chaque nuit où mon enfant naissait maigre et sans peau, tellement fragile..
J'étais inquiète pour mon bébé et inquiète pour moi aussi. Je me sentais faible et fébrile. J'avais mal dans mes os.
Je ne voulais pas de péridurale. C'était le plan. Je voulais ne rien rater, tout sentir.
Mais quand on m'a installé en salle de travail, on m'a dit que vous viendrez poser "ce qu'il fallait juste ou cas ou".
Je n'ai pas compris cette phrase. Poser quoi ? Où ?
Cela ne m'arrangeait pas, je sentais que le bébé arriverait vite, je ne voulais pas être dérangée, interrompue. J'étais occupée à vivre cette naissance.
Je ne me suis pas sentie le droit de refuser. Parce que tout le monde avait l'air de savoir mieux que moi ce qui allait arriver et parce que je ne pensais pas que vous alliez m'enfoncer une piqûre dans le dos.
On me répétait que je souffrais beaucoup et que cela n'était pas bon pour le bébé. J'ai eu peur d’être capricieuse et égoïste.
Alors quand vous m'avez dit de m’asseoir et de faire le dos rond, je me suis exécutée et trahie à la fois.
Quand vous m'avez dit d'un ton autoritaire : mieux que ça, voyons ! Vous faites le dos rond là ? je me suis arrondie encore plus, comprimant mon ventre tendu. Évidemment, vous ne saurez jamais l'effort que cela demande à une femme qui a une contraction de faire ça. Cela vous intéresse t'il seulement ?
Vous avez parlé à nouveau à la sage-femme : si elle ne fait pas mieux, je m'en vais ! Déjà, que ce n'est pas facile avec les grosses, mais là, c'est n'importe quoi, on va pas y arriver !
Puis à moi : personne ne vous a conseillé de perdre du poids avant de faire un enfant ?
Vous souvenez-vous de la femme, qui s'est mise à pleurer, vous demandant de la laisser tranquille ?
Vous êtes sorti en lâchant à la sage-femme un : ne me faites pas déplacer pour rien la prochaine fois.
Savez-vous qu'elle s'est excusée pour vous ? Vous étiez remplaçant, vous n'aviez pas l'habitude du fonctionnement de la clinique, il fallait vous comprendre, c'est très stressant comme métier et puis, les hommes, vous savez..
L'enfant ne m'a pas laissé le temps de pleurer et d'avoir honte très longtemps. Il fallait pousser, se dépasser, faire de la place à la vie.
Elle est née, incroyable et parfaite et a balayé pour quelque temps l'humiliation subie.
Dans la nuit, mon état s'est dégradé et on m'a appris que j'avais une sévère infection du sang et que ma perte de poids n'était pas normale. J'ai mis plusieurs mois à m' en remettre.
Mais monsieur, je voulais vous dire que, lorsque que je repense à la naissance de mon enfant, vous n'êtes jamais très loin et pourtant vous ne devriez pas être là. Votre arrogance prend trop de place dans mon souvenir. Vous n'auriez pas dû laisser cette trace-là. Vous avez voilé mon bonheur. Ici, je vous renvoie à votre responsabilité. À cause de votre discrimination, j'ai dû prendre sur moi pour gérer ce que vous avez généré en moi à un moment où je n'aurais dû me préoccuper que de moi et mon enfant. Vous avez participé à ma peur du milieu hospitalier.
J'espère de tout mon cœur que quelque chose de cette intensité ne vous arrivera jamais et que vous vous êtes amélioré dans votre métier. Au ton que vous avez employé avec la sage-femme, j'imagine que votre grossophobie n'est pas votre seule tare et je soupçonne aussi quelques progrès à faire dans le domaine de vos relations.
J'imagine que lorsque vous avez voulu faire ce métier, vous visiez, entre autre, une forme de reconnaissance.. Vous pouvez être satisfait, je nous vous oublierai pas, mais vous, monsieur, vous reconnaîtrez- vous ?
Sibel.
L'accouchement de la Reine : [estampe] Audran, Benoît (1661-1721). Graveur
Je me rappelle avoir fait un gros effort pour vous saluer au milieu d'une
Est ce que, lorsque l'on se croit être "quelqu'un" on ne voit plus personne ?
Vous m'avez regardé brièvement, vos lèvres se sont pincées et vous vous êtes adressé à la sage-femme : on a quoi ?
Votre conversation était un peu assourdie par le tumulte de mes émotions. J'avais très mal et j'étais affaiblie par une mauvaise toux que je traînais depuis plusieurs mois déjà. J'ai perdu beaucoup de poids pendant cette grossesse et cela n'avait inquiété personne.
Mon gynécologue m'avait même félicité pour cela : "c'est très bien, ça sera ça de moins à perdre après !"
Moi, je faisais des cauchemars presque chaque nuit où mon enfant naissait maigre et sans peau, tellement fragile..
J'étais inquiète pour mon bébé et inquiète pour moi aussi. Je me sentais faible et fébrile. J'avais mal dans mes os.
Je ne voulais pas de péridurale. C'était le plan. Je voulais ne rien rater, tout sentir.
Mais quand on m'a installé en salle de travail, on m'a dit que vous viendrez poser "ce qu'il fallait juste ou cas ou".
Je n'ai pas compris cette phrase. Poser quoi ? Où ?
Cela ne m'arrangeait pas, je sentais que le bébé arriverait vite, je ne voulais pas être dérangée, interrompue. J'étais occupée à vivre cette naissance.
Je ne me suis pas sentie le droit de refuser. Parce que tout le monde avait l'air de savoir mieux que moi ce qui allait arriver et parce que je ne pensais pas que vous alliez m'enfoncer une piqûre dans le dos.
On me répétait que je souffrais beaucoup et que cela n'était pas bon pour le bébé. J'ai eu peur d’être capricieuse et égoïste.
Alors quand vous m'avez dit de m’asseoir et de faire le dos rond, je me suis exécutée et trahie à la fois.
Quand vous m'avez dit d'un ton autoritaire : mieux que ça, voyons ! Vous faites le dos rond là ? je me suis arrondie encore plus, comprimant mon ventre tendu. Évidemment, vous ne saurez jamais l'effort que cela demande à une femme qui a une contraction de faire ça. Cela vous intéresse t'il seulement ?
Vous avez parlé à nouveau à la sage-femme : si elle ne fait pas mieux, je m'en vais ! Déjà, que ce n'est pas facile avec les grosses, mais là, c'est n'importe quoi, on va pas y arriver !
Puis à moi : personne ne vous a conseillé de perdre du poids avant de faire un enfant ?
Vous souvenez-vous de la femme, qui s'est mise à pleurer, vous demandant de la laisser tranquille ?
Vous êtes sorti en lâchant à la sage-femme un : ne me faites pas déplacer pour rien la prochaine fois.
Savez-vous qu'elle s'est excusée pour vous ? Vous étiez remplaçant, vous n'aviez pas l'habitude du fonctionnement de la clinique, il fallait vous comprendre, c'est très stressant comme métier et puis, les hommes, vous savez..
L'enfant ne m'a pas laissé le temps de pleurer et d'avoir honte très longtemps. Il fallait pousser, se dépasser, faire de la place à la vie.
Elle est née, incroyable et parfaite et a balayé pour quelque temps l'humiliation subie.
Dans la nuit, mon état s'est dégradé et on m'a appris que j'avais une sévère infection du sang et que ma perte de poids n'était pas normale. J'ai mis plusieurs mois à m' en remettre.
Mais monsieur, je voulais vous dire que, lorsque que je repense à la naissance de mon enfant, vous n'êtes jamais très loin et pourtant vous ne devriez pas être là. Votre arrogance prend trop de place dans mon souvenir. Vous n'auriez pas dû laisser cette trace-là. Vous avez voilé mon bonheur. Ici, je vous renvoie à votre responsabilité. À cause de votre discrimination, j'ai dû prendre sur moi pour gérer ce que vous avez généré en moi à un moment où je n'aurais dû me préoccuper que de moi et mon enfant. Vous avez participé à ma peur du milieu hospitalier.
J'espère de tout mon cœur que quelque chose de cette intensité ne vous arrivera jamais et que vous vous êtes amélioré dans votre métier. Au ton que vous avez employé avec la sage-femme, j'imagine que votre grossophobie n'est pas votre seule tare et je soupçonne aussi quelques progrès à faire dans le domaine de vos relations.
J'imagine que lorsque vous avez voulu faire ce métier, vous visiez, entre autre, une forme de reconnaissance.. Vous pouvez être satisfait, je nous vous oublierai pas, mais vous, monsieur, vous reconnaîtrez- vous ?
Sibel.
L'accouchement de la Reine : [estampe] Audran, Benoît (1661-1721). Graveur
Encore un personnage abject mais malheureusement on est pas dans un film ... Qui me rappelle totalement ma rencontre avec l'anesthésiste avant mon accouchement, il m'a dit qu'il ne savait pas si il y arriverai vu mon poids, je lui répondu que ça tombait bien car je n'en voulais pas , qu'il n'avait qu'à encaisser mon chèque et il ne me verrai plus ...
RépondreSupprimerJe suis abasourdie de voir le nombre de personnes ayant vécues des expériences similaires. je regrette que vous ayez vécue cette expérience et je veux bien un cours de répartie ..Dès qu' il s'agit de moi, je ne sais que peu me défendre !
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