Sous la graisse, il y a quelqu'un...

Et il vous ressemble.

Imaginez un monde où ce que vous êtes, symbolise de nombreux défauts aux yeux des personnes qui composent notre société.
Quand vos yeux de non-gros scannent mon corps, vous voyez la paresse, la gourmandise, le manque d'éducation, le quotient intellectuel d'un pétoncle et autres bivalves pectinidés.
Bien sur, il peut arriver à tous de se laisser vivre un peu mais nous ne sommes pas égaux.
Ma paresse n'est pas la vôtre. Votre paresse est légitime. Vous l'appelez repos ou détente bien méritée. La mienne s'appelle "manque de volonté" et a la texture d'un canapé vieux et mou, parsemé de miettes de chips bon marché.
Ma gourmandise n'est pas la vôtre. Votre gourmandise s'appelle plaisir, soutenu par des phrases bien convenues : oh, on peut bien se faire plaisir non ? C'est pour ça qu'on bosse après tout. La vie est suffisamment triste et dure comme cela alors on ne va pas se priver non plus !
La mienne s'appelle "manque de volonté" et a la texture d'un canapé vieux et mou, parsemé de miettes de chips bon marché. ( vous remarquerez sans doute ici, votre manque d'imagination)

Ces prétendus défauts que je porte tout le temps, en plus de mon poids, m'usent.
Vos jugements me rendent plus lourde. Ils tapissent ma dignité d'une épaisseur crasse et lestée que je dois soulever à chaque fois que je veux vivre comme tout le monde.

Imaginez un monde où vous devriez justifier votre existence.
Le commun des mortels doute de mes efforts et c'est à moi de lui prouver, de le convaincre que je suis "une grosse convenable". Celle qui fait tous les efforts du monde pour devenir "normale". Celle qui a bien conscience des dangers de l'obésité et qui est tellement, tellement reconnaissante que quelqu'un prenne le temps de la juger.
Un monde, où ce que les gens s'imaginent de vous, leur donnent le droit de vous interpeller dans la rue, à la table d'un restaurant, sur la plage, pour vous donner des conseils en nutrition. Si je leur signale que leur avis ne m'intéresse pas alors on me rétorque que je n'ai pas à être susceptible, qu'après tout, c'est pour mon bien.
Evidemment, si je me permettais d'arrêter quelqu'un dans la rue pour lui donner un conseil sur son acné, sa perte de cheveux, son look, je recevrais un cinglant "mêle-toi de ton gros cul! "
Vos regards cassants et vos remarques humiliantes ont réduit mon espace de vie.
Votre discrimination a rendu ma liberté douloureuse.

Maintenant, imaginez ce qui vous complexe le plus.
Vous savez de quoi je parle n'est-ce pas ?
Cette chose qui vous inflige une douleur vive quand vous y pensez, que vous essayez de cacher, pour laquelle vous mentez parfois, le complexe le plus difficile à vivre pour vous.
Vous l'avez ?
Imaginez qu'il soit exposé aux yeux de tous, en permanence.
Imaginez que l'on ne voit que ça chez vous. Que ce ne soit pas à vous qu'on parle mais seulement à votre complexe.

Je suis quelqu'un. Je suis une autre vous. Quand vous m'humiliez, c'est la personne complexée en vous que vous rabaissez.

Que vous est-il arrivé pour que vous imaginiez que votre attitude est acceptable ?

Sibel.

Détail  de  La naissance de Vénus » de Sandro BOTTICELLI 



Commentaires

  1. C'est magnifique. Je vis tellement tout ce que vous écrivez. Merci, ça me fait du bien de vous lire.

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    1. Merci à vous ... C'est aussi pour vous que ces mots sont posés ici et si ils vous font, ne serait-ce que tout petit peu de bien, alors je suis heureuse ...

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  2. Chère Sibel, grâce à vous je suis sortie aujourd'hui... Cela faisait très longtemps que je n'avais plus le courage ( ou la force, ou l'envie...ou la confiance) de descendre mon petit escalier pour arriver dans la rue, c'était le printemps la dernière fois, c'est bientôt Noël.
    Bref, je vous ai lu pendant plusieurs heures et j'ai été très étonnée de comprendre que nous avions beaucoup de similitudes.
    Je vous ai trouvé tellement forte, fière, courageuse.
    Merci pour vos écrits, ils m'ont aidé, ils m'aident vraiment. Ils m'ont poussé à essayer de revivre.
    Je vais continuer à vous lire et à essayer vraiment.
    Sincèrement merci à vous.

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