Le souvenir d'enfance comme ressource.


Enfant, il y avait devant la maison, un parc avec de grands et beaux arbres. Après avoir couru à toute vitesse, nous tombions quelques fois en riant, essoufflés, sous l’un d’eux.

La lumière du ciel dansait à travers les branches tandis que mon cœur, petit à petit, se calmait en s'accordant lentement au rythme des feuilles qui se balançaient.
Quelques secondes d'harmonie avec la nature que je porte en moi, comme un cadeau sacré.

Un jour, parce qu'ils faisaient de l'ombre aux voisins, on nous annonça que les arbres seraient coupés.
Nous, enfants du village, pleurions, suppliant les adultes d'arrêter ça, de ne pas permettre que cela arrive… Quel désespoir dans nos supplications !
Je me souviens du regard de mon frère Eric, quand un voisin a dit : " ce sont pas les gamins qui vont décider quand même !"
J'ai vu dans son regard qu'un jour, il serait l'adulte qui décide de ne pas couper l'arbre. 

Mais les arbres ont été arrachés quand même.
Qui écoute la sagesse des enfants ?

Cela a duré longtemps... 
Avez-vous déjà entendu un arbre être déraciné ? Ses racines sont étirées jusqu’au démembrement dans un bruit d’arrachement lent et profond… On ne peut plus jamais l’oublier.
Et puis cette vie, toutes ces vies sous terre, soudain exposées à la lumière du jour avec violence, essayant de trouver un endroit où se réfugier désormais...
Notre chagrin trouva bientôt une mission pour se consoler et réparer la faute des adultes : sauver les oisillons qui, arrachés à leurs nids trop jeunes, écrasés par les branches des arbres jetées au sol, agonisaient en piaillant doucement.
Mettant nos guerres d’enfants de côté, bandes rivales du village associées pour la cause, nous nous mîmes à fouiller les branches, bravant ainsi la fatalité des grands qui, sous prétexte de nous épargner une peine supplémentaire, nous assénaient leurs funestes avis : « ça sert à rien les gosses, les petits ne survivront pas sans leurs parents c'est la nature ! »
La nature… Comme ils la ralliaient, ces crève-cœur quand cela les arrangeaient…
On essaya quand même.
Seule notre mère, triste pour les arbres autant que pour nous, faisait des gâteaux qu’elle déposait encore fumants sur le rebord de la fenêtre et nous gardait les miettes de pain pour nos petits protégés...
Nous avons transformé le grenier de la maison en refuge … On en a peu sauvé, il est vrai... Ils mourraient si vite... Mais on continua jusqu'à ce que nous n’en trouvions plus un seul.
La tristesse d’un enfant, heureusement, fait plus d’un rebond dans l’imaginaire. On transforma alors, le massacre des arbres en cabane.
Nous entendions, évidemment, les adultes rirent en nous regardant : "ah, ça vous amuse maintenant toutes ses branches ! C’était bien la peine de pleurer !"
Ils ne savaient pas eux, que c'était rendre hommage aux arbres …
Plus tard, quand je fus adolescente, je me suis attachée à un arbre pour lui éviter d'être coupé au profit dune route...
Les gens qui passaient devant moi se moquaient parfois, quelques membres de ma famille riaient en apprenant mes agissements de la bouche de ma mère. Mais, j’étais hors d’atteinte, lié à l’arbre par mon souvenir d’enfance et sentant, comme si mon émotion venait d’hier, le poids des petits corps d'oisillons nus et chauds mourant dans mes mains.
D'autres, ceux dont l’esprit de l’enfance n’a pas été complètement chassé par des considérations de la vie d’adulte, m’ont rejoint et ensemble, nous avons sauvé l’arbre.

Puisons dans nos indignations et nos bravoures d’enfant. Rappelons-nous combien nous détestions les injustices… 
Il y a là, le terreau nécessaire pour devenir l’adulte que l’on aimerait être. 


Sur nos pas    @thurin_gwethil





Commentaires

  1. Réponses
    1. Merci d'être passé, de vous être arrêté, d'avoir prit ce temps pour m'écrire un mot. Merci : )

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  2. Merci pour ces mots qui font du bien. On oublie souvent d'aller se ressourcer à notre enfance. JB

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